Trois questions à Dominique Valentin, fondateur de Relais d’Entreprises
Enrayer les mobilités pendulaires subies en rapprochant l'emploi de l'habitat, faciliter le travail au quotidien et impliquer les usagers du territoire, telles sont les ambitions de Relais d'Entreprises. En proposant aux collectivités et aux entreprises l'implantation et la location d'espaces de travail flexibles en milieu périurbain ou rural, la startup mise sur la qualité de vie des travailleurs et sur le déclin de zones dortoirs dont les activités sont souvent phagocytées par la métropole voisine. Le réseau compte au printemps 2016 une dizaine de lieux affiliés Relais d'Entreprises partout en France, accueillant essentiellement des travailleurs indépendants. Proche du modèle de la franchise, des espaces préexistants appartenant à des collectivités ou des entreprises peuvent s'affilier au réseau en s'acquittant d'un droit d'entrée et paient une redevance mensuelle, bénéficiant en retour d'une communication mutualisée, d'un aménagement design unifié et d'une possible animation des espaces.
Les besoins des territoires semblent criants car Relais d’Entreprises est aujourd’hui en pleine expansion. Dominique Valentin, fondateur, dresse un premier bilan et nous présente les enjeux et perspectives de développement du service.
Dominique Valentin, fondateur de Relais d’Entreprises
Comment a été fondé Relais d’Entreprises ? A quel besoin répond-il ?
La particularité des territoires périurbains est de concentrer une densité d’actifs qui ont fait le choix de ne pas être salariés d’une entreprise localisée dans la métropole, pour mieux concilier vie privée et vie professionnelle. Habitant moi-même le village de Rieux-Volvestre à une quarantaine de kilomètres de Toulouse, je ne souhaitais pas subir les engorgements d’accès à la métropole toulousaine pour aller travailler, sans pour autant travailler à domicile. J’ai donc créé en 2011 une société pour acheter un terrain et créer un espace de travail incluant plusieurs postes en location, une salle de réunion, une salle de repas/repos et doté d’Internet haut débit, d’une bonne reprographie, etc.
Le lieu a immédiatement trouvé des locataires du fait du nombre important d’indépendants et de prestataires de services dans le coin : télétravailleurs à la journée ou à la semaine, ils sont à la recherche d’un endroit à usage flexible, connecté, confortable, convivial et permettant de travailler en toute confidentialité, ce au plus près de leur lieu d’habitation. Les usagers de ces bureaux sont à 90% indépendants ou salariés d’entreprises “agiles”, mais la tendance s’accélère du côté des salariés d’entreprises classiques, lesquelles nous sollicitent de plus en plus.
Suite à diverses demandes, j’ai également créé en 2012 un club d’entrepreneurs locaux qui favorise les rencontres et organise des événements pour enclencher une dynamique de territoire et de lien social en plus de la dynamique de lieu.
Au-delà de cette problématique de mobilité pendulaire, quels sont les enjeux sur lesquels travaille Relais d’Entreprises ?
Il s’agit d’une part de redonner du pouvoir d’achat par rapport aux kilomètres parcourus en voiture individuelle (c’est le cas de 90% des déplacements pendulaires dans le secteur). Un habitant de Rieux Volvestre qui se rend au Relais d’Entreprises au lieu d’aller à Toulouse fait une économie de 40€ par jour (en évitant un aller-retour de 80 Km, sur une base de 0,50 € du Km). Le prix d’un bureau pour un jour par semaine dans le Relais d’Entreprises équivaut à 120 € /mois tout compris, soit 30 € la journée. C’est aussi un formidable gain de temps pour les travailleurs. Nous participons également au rééquilibrage des territoires en relocalisant des activités dans des zones qui étaient devenues dortoirs, consolidant ainsi leur attractivité.
Comment Relais d’Entreprises est-il passé à une logique de réseaux ? Quelle est l’offre actuelle ?
En 2012, plusieurs mairies au sud de l’agglomération toulousaine nous ont sollicités pour reproduire des espaces similaires. Ceci révèle une forte prise de conscience de la souffrance de ces territoires. Leur déclin se fait au profit de la métropole qui concentre les richesses. Les élus sont désireux de trouver un second souffle. Nous travaillons par exemple avec des territoires intégrant de très nombreuses résidences secondaires pour tenter d’inverser la tendance et en faire des résidences principales grâce à ces opportunités d’espaces de travail adaptés.
Notre accompagnement des collectivités (les communautés de commune et les pôles territoriaux sont nos principaux clients) s’effectue à deux niveaux : nous produisons des études de positionnement pour la mise en oeuvre de tiers-lieux. Ces derniers peuvent être pensés en combinaison d’autres services à la population ou aux entrepreneurs (crèche, médiathèque…). Par ailleurs, nous identifions des lieux ou structures susceptibles d’être affiliés au réseau Relais d’Entreprises.
Car notre seconde ambition est la création d’un réseau robuste, constitué d’espaces Relais d’Entreprises labellisés. C’est une démarche de marketing, avec la promesse suivante : dans n’importe quel espace, le travailleur peut retrouver des bureaux individuels à usage flexible. Proche du modèle de la franchise, des espaces préexistants appartenant à des collectivités ou des entreprises peuvent s’affilier au réseau en s’acquittant d’un droit d’entrée et paient une redevance mensuelle. De notre côté, nous dépensons 10 % de notre chiffre d’affaires en communication pour faire connaître et animer le réseau, nous proposons une unité dans le design des espaces (propice au travail) et nous formons les gestionnaires.
Le réseau compte aujourd’hui une dizaine d’affiliés, avec des espaces gérés par les mairies, les communautés de communes ou même le privé (mais pour le moment les entreprises qui louent des espaces pour leurs salariés ne représentent que 10% de nos clients).
Les spécificités du terrain amènent à adapter systématiquement l’offre. Ainsi la communauté de communes de St Martory (Haute-Garonne) propose seulement trois bureaux, quand d’autres intègrent des complexes beaucoup plus vastes ou misent plutôt sur la création d’un club d’entrepreneurs. Chaque lieu a donc une identité propre et une grille tarifaire qui diffère.
Afin que chaque tiers-lieu soit accessible en 15 minutes en voiture, nous prônons un principe de multiples petits espaces éparpillés pour mailler le territoire.
Quelles sont les perspectives d’évolution pour Relais d’Entreprises ?
Relais d’Entreprises suscite un réel intérêt du fait de sa crédibilité par l’expérimentation menée à Rieux-Volvestre, et son accompagnement tout au long de la chaîne, depuis l’étude de positionnement jusqu’à l’animation du lieu, en passant évidemment par la labellisation. Notre chiffre d’affaires (300.000€) a triplé en un an. Les demandes d’affiliation sont en forte hausse et notre plan de développement vise 300 Relais d’Entreprises en 2020 et nous envisageons d’accueillir 20 collaborateurs dans les 3 ans à venir.
Nous venons de faire un gros investissement pour la structuration d’un pôle études, intégrant des systèmes de cartographie et de SIG pour prévoir une localisation optimale pour les espaces du réseau. De plus, nous entreprenons des audits de tiers-lieux existants pour évaluer ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas.
Nous amorçons par ailleurs des partenariats à plusieurs niveaux. Nous sommes très présents auprès des élus (partenariat avec l’Association des Maires Ruraux de France, participation au salon des Maires de France…). En effet, même si les élus sont de plus en plus sensibilisés, il reste un important travail de pédagogie à faire sur l’évolution du monde du travail, sur les apports du numérique ou encore sur la dispersion des activités économiques. Cet accompagnement rappelle aussi que des lieux de convergence d’initiative économique évitent la dispersion de l’habitat. Nous entamons enfin des partenariats avec des sociétés détentrices d’un parc immobilier sous utilisé, comme le réseau bancaire, pour réaliser un essaimage facile des espaces Relais d’Entreprises.
Retrouvez l’article sur le site Chronos !
10/05/2016 de Claire Huberson